Table des matières
Les acides oméga-3 sont au nombre de trois. Si on parle “des” oméga-3 en employant toujours le pluriel, c’est parce qu’en réalité il en existe trois différents.
Le premier de ces acides gras est l’Acide Alpha-Linoléique (ALA) qui est d’origine végétale. On va le trouver dans les huiles de lin, de colza, de noix, de soja, etc. Il est indispensable à l’organisme car nécessaire à son bon développement et fonctionnement. L’organisme ne peut cependant pas le synthétiser directement. C’est donc au travers de l’alimentation que nous allons pouvoir l’assimiler. L’Acide Alpha-Linoléique (ALA) est le premier des oméga-3 à avoir été découvert.
Les deux autres oméga-3 qui existent sont l’Acide EicosaPentaénoïque (EPA) et l’Acide DocosaHexaénoïque (DHA). Ces deux derniers sont d’origine animale. Ils sont issus en particulier d’aliments d’origine marine. On va les trouver dans les poissons “gras” des eaux froides comme les saumons, maquereaux, sardines, anchois, etc (ou de la supplémentation par comprimés d’oméga-3). On sait également que les poissons sauvages pêchés seront plus riches en oméga-3 que les poissons issus d’élevages.
Comme pour L’Acide Alpha-Linoléique (ALA), l’Acide EicosaPentaénoïque (EPA) et l’Acide DocosaHexaénoïque (DHA) sont indispensables au bon développement et fonctionnement de l’organisme et ne peuvent être apportés que par l’alimentation. De plus, le taux de conversion de L’Acide Alpha-Linoléique (ALA) en Acide DocosaHexaénoïque (DHA) étant trop faible, les besoins de notre corps en DHA ne peuvent être couverts uniquement par des ALA.
Oméga-3 et système nerveux central : les origines
Les premières recherches sur les oméga-3 datent des années 70. Elles mettaient en évidence le rôle bénéfique des oméga-3 sur le système cardiovasculaire. On avait remarqué que les populations du Grand Nord, grandes consommatrices de poissons ou de viande de phoque, comme les Inuits ou les Esquimaux montraient une faible prévalence (c’est-à-dire un faible nombre de cas par rapport à l’ensemble de la population) de maladies cardiovasculaires obstructives. Ces populations souffraient, par exemple, moins d’athérosclérose (maladie dégénérative des artères, due à l’accumulation de dépôts lipidiques sur ces dernières) ou d’infarctus du myocarde. Cette constatation avait conduit à s’interroger sur l’existence de facteurs alimentaires pouvant avoir un rôle cardioprotecteur. On en était arrivé au rôle des oméga-3, ces lipides « positifs » entraînant une diminution du taux de triglycérides.
Par la suite, l’intérêt des scientifiques pour les oméga-3 s’est porté sur le système nerveux central. Le cerveau est, après le tissu adipeux (la masse graisseuse), l’organe du corps humain le plus riche en lipides. C’est en 1973 que la richesse exceptionnelle du cerveau en oméga-3 fut mise en évidence par les travaux du Suédois L. Svennerholm. Les oméga-3 représentent en effet 15 à 20% des lipides cérébraux. Ils représentent même 40 % de ces lipides dans les neurones ou les terminaisons nerveuses comme le montra, en 1984, le spécialiste en chimie du cerveau et en nutrition, Jean-Marie Bourre.
Certains auteurs vont même plus loin en imputant aux oméga-3 un rôle primordial dans le processus d’« hominisation » ou développement particulier de l’espèce humaine. Selon des théories séduisantes comme celles proposées par M. Crawford en Angleterre ou par S. Cunnane aux Etats-Unis, ce serait la consommation enrichie de poissons et de coquillages qui aurait permis l’accroissement du cerveau de nos ancêtres conduisant à la différenciation de l’homme et des autres primates. Et effectivement, la chaîne alimentaire marine ou lacustre contient au moins 5 fois plus de DHA (Acide DocosaHexaénoïque) que les viandes « terrestres ».
Hypothèses d’action des oméga-3 sur le cerveau
On constate donc que les oméga-3 sont très présents dans le cerveau. Mais, comment ces derniers agissent-ils réellement sur le cerveau ? La question reste encore en suspens.
Deux modalités d’action sont susceptibles d’intervenir sur le système nerveux central : – à long terme : les oméga-3 entrent dans la composition chimique des membranes biologiques et interviennent donc sur leurs fonctions. – à court terme : les oméga-3 agiraient au niveau de la modulation des transmissions des signaux chimiques entre les neurones. Ce dernier mécanisme est encore mal connu et reste l’objet de nombreux débats.
Oméga-3 et pathologies psychiatriques
Les premiers éléments faisant suspecter un rôle des oméga-3 en psychiatrie ont été suggérés par les travaux de l’Américain David Horrobin. Dans ces recherches, il émet l’hypothèse que l’une augmentation de la prévalence (nombre de cas par rapport à un groupe plus large) de certaines pathologies psychiatriques, comme la dépression, depuis une soixantaine d’années aurait un lien avec les modifications des comportements alimentaires et l’amoindrissement de la valeur nutritionnelle des nourritures consommées (régime alimentaire occidental de type « fast-food »).
La recherche en neuropharmacologie a révélé le rôle anti-inflammatoire des oméga-3 et leur action neuroprotectrice vis-à-vis des dégâts causés par le stress oxydatif.
Oméga-3 et dépression
Parmi les premières études impliquant carence en oméga-3 et dépression, celle de Bates et collaborateurs en 1988, a mis en évidence chez des Inuits de Colombie Britannique, une incidence accrue de la dépression, en corrélation avec la perte des habitudes alimentaires traditionnelles fondées sur une alimentation riche en poissons gras. Cette incidence avait ensuite diminué avec la réintroduction volontaire de ces aliments.
Les oméga-3 ont suscité beaucoup d’espoir et un engouement médiatique ces dernières années dans la prise en charge de l’épisode dépressif. Quelques études ont montré un intérêt de ces lipides (en particulier de l’EPA, qui aurait un effet anti-inflammatoire accru) dans les dépressions de faible intensité. Malheureusement en ce qui concerne les dépressions majeures (d’intensité élevée ou dépressions mélancoliques), les données de la littérature récente (en particulier les études fondées sur des méta-analyses, c’est-à-dire sur les analyses de beaucoup d’études scientifiques de haute qualité) semblent montrer que l’action antidépressive et/ou préventive des rechutes dépressives de ces acides gras oméga-3 est faible et statistiquement non significative.
Oméga-3 et trouble bipolaire
Là aussi, les résultats des études sont contradictoires. Il existerait moins de troubles bipolaires chez les Japonais (gros consommateurs de poissons et de produits marins) que dans des populations grosses consommatrices de viande rouge (Argentins).
Les hématies (globules rouges) des personnes souffrant de trouble bipolaire afficheraient une diminution de leur concentration en DHA, et le traitement par oméga 3 serait efficace au moins sur le court terme. En tout état de cause, lorsqu’on a mis en place une supplémentation en acide gras oméga-3 chez les personnes atteintes de trouble bipolaire, les effets ne se seraient fait sentir que sur des symptômes d’intensité modérée. Une étude révèle que chez les patients présentant des symptômes sévères, même des doses élevées d’oméga-3 (jusqu’à 6 g/j) n’améliorent pas le trouble comparé à un placebo.
Oméga-3 et schizophrénie
De même que dans le trouble bipolaire, des études ont observé des concentrations en DHA et EPA diminuées dans les membranes des globules rouges des personnes souffrant d’une schizophrénie sans que ces altérations soient liées au sexe, à l’état hormonal ou à l’usage de toxique comme le cannabis.
La schizophrénie est une maladie neurodéveloppementale complexe et les oméga-3 (en particulier le DHA) pourraient jouer un rôle bénéfique dans la prévention de la pathologie en évitant la transition de sujets vulnérables ou à haut risque vers la maladie. Les résultats des études portant sur des personnes atteintes de schizophrénie semblent montrer des résultats plus encourageants que dans les troubles de l’humeur (dépression, trouble bipolaire), mais là encore les effets éventuels ne permettent pas de remplacer le traitement pharmacologique par des molécules antipsychotiques qui reste la clé de voûte de la prise en charge thérapeutique de cette maladie.
Conclusion
Les résultats des études de supplémentation en oméga-3 chez les personnes souffrant de pathologies psychiatriques restent décevants ou faibles compte tenu de l’espoir suscité, il y a quelques années, sauf peut-être pour les personnes à risque de schizophrénie ou atteintes de la maladie. Malgré tout, de nombreuses études sont encore en cours et il faut espérer qu’elles nous permettront mieux d’évaluer le rôle des oméga-3 dans les pathologies du système nerveux central (pathologies psychiatriques, pathologies neurodégénératives…) et de préciser l’action de l’EPA et du DHA sur le système nerveux central.
En pratique, les recommandations de l’ANSES (l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) estime les besoins quotidiens en ALA à 1% des apports énergétiques quotidiens (2 grammes/ j pour un homme ; 1,6 gramme pour la femme) et à 250 mg par jour d’EPA et 250 mg par jour de DHA. Ces taux sont souvent inférieurs aux recommandations américaines ou internationales qui n’hésitent pas à conseiller un apport d’un gramme par jour d’EPA+DHA.
Pour aller plus loin
- La vérité sur les oméga-3, Dr Jean-Marie Bourre, Editions Odile Jacob.
- Les recommandations de l’ANSES