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La profession d’infirmier est une profession réglementée, c’est-à-dire reconnue et autorisée par l’État. Elle relève d’un cursus de formation de trois années dans un Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), cursus sanctionné par l’obtention d’un diplôme d’État.
Au-delà de ces conditions, l’exercice de la profession est encadré par un décret (29 juillet 2004) relevant du code de la santé publique définissant les missions et les domaines d’activité de l’infirmier. Ces derniers sont très larges puisque le diplôme d’État, tout comme la formation, prévoient une totale polyvalence, ce qui signifie que l’infirmier peut exercer dans toutes les spécialités médicales et dans tous les types d’établissements sanitaires ou médico-sociaux du territoire.
De manière très large, l’exercice de la profession d’infirmier comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation et l’évaluation des soins infirmiers qui peuvent être de nature préventive, curative ou palliative, pour prévenir les problèmes de santé, soigner ou accompagner dans la maladie.
Plus précisément les soins visent quatre grands objectifs :
- maintenir la santé et l’autonomie des personnes malades en vue de favoriser leur maintien dans leur cadre de vie familial ou social,
- concourir au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions,
- contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales,
- et enfin, participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, et accompagner, si besoin est, l’entourage.
Le soin infirmier dans le domaine de la santé mentale
Quand il va s’appliquer à la santé mentale, même si les objectifs restent les mêmes, le travail de l’infirmier va bien sûr avoir des spécificités. Si lorsque la situation le requiert, cet intervenant de santé peut continuer à réaliser l’ensemble des soins somatiques (physiques) relevant de sa compétence, la majorité de ses actes seront pourtant d’ordre relationnel.
Des actes infirmiers à visée d’autonomisation
Les actes de soin relationnels qui fondent la spécificité de l’exercice infirmier en santé mentale s’inscrivent tout d’abord dans une visée d’autonomisation. Au travers d’entretiens individuels et d’activités thérapeutiques de groupe à médiation, le soignant va travailler avec le patient sur son autonomie et intégration sociale.
Les entretiens individuels sont des rencontres de face à face qui vont permettre de créer avec la personne malade des relations dites « étayantes » qui doivent la soutenir tout au long de sa prise en charge thérapeutique. Ces entretiens réguliers vont l’aider à apaiser sa souffrance, à mieux comprendre ses difficultés et à agir au mieux malgré les obstacles de la maladie. La qualité de l’intersubjectivité, c’est-à-dire des relations créées entre le patient et l’infirmier est donc déterminante. La disponibilité physique et psychique du soignant, sa bienveillance, sa persévérance et son empathie (ou capacité à se mettre à la place d’autrui, à comprendre le ressenti et les difficultés du patient) vont être des atouts pour la réussite de ces entretiens.
Les activités thérapeutiques à médiations sont des moments de soin (souvent de groupe) organisés autour d’activités diverses comme des jeux, des sorties, des activités sociales, etc. Qu’elles soient ludiques, pragmatiques (pratiques), sociales ou encore artistiques, ces dernières sont nommées « médiation », car elles sont des moyens ou supports pour créer une dynamique de groupe et permettre ainsi aux participants de retrouver des activités et des compétences perdues suite à la maladie. Chaque atelier va être le lieu où chacun va travailler sur une ou plusieurs dimensions fonctionnelles propres à tous les individus : dimensions cognitives, sociales, relationnelles, corporelles et affectives. Ils vont aider à retrouver la pratique du contact avec autrui et le goût de la relation sociale. Ils vont participer à regagner une image et une estime de soi altérées par la maladie.
Ainsi des jeux inspirés de jeux de société stimuleront les fonctions cognitives (mémoire, concentration, catégorisation, capacité à hiérarchiser, etc.). Des sorties récréatives ou culturelles permettront de renforcer le repérage et l’autonomie dans l’espace social. Des ateliers de gymnastique aménagés, d’expression corporelle, ou de relaxation, amèneront la personne à développer ses possibilités d’expression, de mobilisation, et de plaisir liées au corps. Dans la même démarche, la musicothérapie à travers l’utilisation de percussions corporelles (faire du son avec son corps), ou encore l’utilisation du mime, stimuleront la relation au corps, mais aussi les compétences sociales. Au travers des relations de groupe, elles développeront les habiletés sociales, la capacité à interagir et à communiquer.
Le rôle de l’infirmier en psychiatrie s’inscrit dans ce type d’activités programmées, mais aussi dans des espaces informels qui relèvent du côtoiement quotidien avec la personne malade. Dans un service d’hospitalisation, par exemple, les journées s’égrènent autour des actes de la vie quotidienne et des soins formalisés. Mais dans les interstices de ces moments prévus et organisés, une multitude d’opportunités de rencontres entre soignants et soignés se dessinent qui sont autant d’instants féconds pour construire le soin. Cela va de micro contacts à des échanges plus construits et spécifiques concernant la prise d’un traitement, l’hygiène, les informations sur sa famille ou sur la vie institutionnelle. Cela concerne aussi les réponses aux demandes multiples, les rappels au cadre, la réassurance, l’échange autour d’une idée délirante, etc. C’est encore une fois la qualité de présence du soignant qui transformera ces instants impromptus et fugaces en moments de soin productifs et c’est la qualité de l’ensemble des réponses de ce type, par une équipe de soin, qui fondera une partie de sa prétention thérapeutique collective.
Des actes infirmiers à visée psychothérapique
Dans cette visée (qui relève d’une autorisation et prescription médicales) les outils sont apparentés à ceux qui relèvent du rôle d’autonomisation, mais ils s’en différencient par leur objectif. Il s’agissait auparavant de stimuler l’autonomie, de renforcer les possibilités d’inscription sociale de la personne malade. Il s’agit maintenant de travailler plus spécifiquement sur le rapport de la personne à sa maladie en déployant la rencontre dans une visée psychothérapique. C’est le vécu sensoriel et affectif ou encore l’impact existentiel de la maladie qui seront abordés. L’inscription dans la durée sera alors fondamentale pour que ces éléments puissent se déployer. Lorsque des activités thérapeutiques à médiation seront proposées, elles seront animées autour de supports principalement artistiques (peinture, musique, photo, etc.) dans le but de stimuler imaginaire et vécu affectif.
Enfin, le rôle propre de l’infirmier relève de l’observation et de l’évaluation clinique de la personne en vue du travail de collaboration avec le médecin.
Des lieux d’exercice très différents
En santé mentale, l’infirmier a l’opportunité d’exercer dans tous les sites accueillant du public. Ces sites vont du service d’hospitalisation en temps plein jusqu’aux différentes structures extrahospitalières (CMP, CATTP (Centre d’Accueil Thérapeutique à temps partiel), HJ (Hospitalisation de Jour), unités de réhabilitation diverses, etc.).
Dans ce cadre, son activité s’organisera de nouveau autour d’entretiens de face à face et d’activités thérapeutiques à médiation, mais aussi d’accompagnements dans le quotidien, de visites à domiciles, d’un travail de partenariat (réseau, liaison), de contacts avec les familles ou les associations de patients, de suivi dans la gestion de crise.
Aujourd’hui près de la moitié des infirmiers exerçant en santé mentale sont affectés dans des structures extérieures aux établissements.
Une activité de pensée au service d’une intelligence collective
L’infirmier est formé pour exercer dans tous les espaces d’accueil et de prise en charge. Son rôle est donc de participer pleinement à la dimension collective du soin.
Le rôle de l’infirmier en santé mentale implique de connaître la personne malade au delà de ses besoins, d’aller chercher ce qui fait conflit chez elle, ce qui la caractérise dans ses capacités comme ses incapacités, ce qui la contraint dans l’intérieur de son intimité comme dans son environnement propre. Il nécessite ensuite d’analyser cette connaissance empirique et de la mettre en perspective avec des connaissances théoriques et cliniques qui fondent sa professionnalité. Mais le soin ne peut se contenter de cet aspect individuel, le travail de l’infirmier doit impérativement s’inscrire dans un mouvement de réflexion et compréhension pluri-professionnel. C’est en effet dans la diversité du collectif professionnel, et donc dans l’enrichissement des points de vue, que la complexité de l’humain et de sa souffrance pourront être dignement prises en compte.
Jacky Merkling, cadre supérieur de santé, formateur à l’Institut des Cadres de Santé au Centre Psychothérapique de Nancy.
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