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A l’interface des domaines médical, judiciaire et social, les troubles de la personnalité peuvent être appréhendés comme des pathologies de la relation et du lien à l’autre.
Plutôt que des maladies psychiatriques à part entière, on les définit comme un ensemble de comportements et relations inadaptées aux normes sociales ou morales en vigueur. Il s’agira par exemple d’une impulsivité responsable de mises en danger, d’une indifférence pour autrui entrainant violence et agressivité.
Pour parler de trouble de la personnalité, il faut que les symptômes soient présents avant la fin de l’adolescence et persistent tout au long de la vie. Ils ne doivent pas être associés uniquement à un contexte ou un moment particulier : une maladie psychiatrique, la prise de drogues ou de médicaments, certains milieux uniquement… Les fluctuations de l’humeur et l’irritabilité sont par exemple souvent présentes dans les épisodes dépressifs, mais régressent à la fin de ceux-ci-ci. Tout comme lors du sevrage en cannabis.
Les signes de la « personnalité antisociale »
Nous nous intéresserons ici au trouble de la personnalité de type « antisociale ». Le trouble de la personnalité antisociale est principalement caractérisé par une incapacité à ressentir de l’empathie pour autrui (c’est-à-dire de percevoir et prendre en considération les émotions d’autrui), une instabilité affective et relationnelle ainsi qu’une impulsivité psychique et comportementale.
Le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Psychiatry) en donne la définition suivante (adaptation de l’auteur du présent article) :
« Ensemble de comportements répétés liés à un mépris et une violation des droits d’autrui chez un individu majeur, les troubles ayant débuté à l’adolescence. En dehors des conséquences d’une autre maladie mentale.
Le trouble est caractérisé par au moins trois des comportements suivants :
- Incapacité à se conformer aux règles sociales et comportements licites, (entrainant des conséquences policières et judiciaires)
- Tromperie et mensonge répétés,
- Impulsivité et imprévisibilité,
- Irritabilité et agressivité (se traduisant par des violences physiques),
Mépris pour sa sécurité ou celle d’autrui, Incapacité d’assumer ses obligations professionnelles ou financières,
- Absence de remords, indifférence et rationalisation des conséquences de ses comportements. »
On estime la proportion des troubles de la personnalité de type psychopathique à environ 1 à 3 % de la population, avec une forte prédominance masculine.
Il convient de noter que suivant les ouvrages, on va trouver des termes comme « psychopathie », « sociopathie » ou « personnalité dyssociale » pour désigner ce même trouble.
Au quotidien, les traits de personnalité antisociale se traduisent par :
- une intolérance à la frustration
- une impulsivité responsable d’agressions verbales et physiques,
- un mépris pour les règles et normes sociales (difficulté à accepter les interdits sociaux ou moraux comme la loi ou les règlements)
- une absence de remords et de sentiment de culpabilité (rendant difficile la compréhension du caractère pathologique et la remise en question des actes).
Oscillant entre sourire et menace, séduction et rejet, la personnalité psychopathique est marquée par une instabilité à la fois de l’humeur et relationnelle qui traduit de profondes angoisses et une immaturité affective.
Les principales conséquences de ces comportements sont judiciaires mais aussi familiales et professionnelles. Le parcours est émaillé de ruptures et de pertes au gré des désordres comportementaux: divorces, licenciements, incarcérations, expulsions… comme une vie écrite en pointillés.
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Histoire et évolution du concept
Les aliénistes, ces médecins comme Philippe Pinel et Jean-Etienne Esquirol qui ont inventé la psychiatrie moderne en décrivant les aliénations mentales, se sont dés le début intéressés à la compréhension des comportements violents. Ils dépeignent les « manies sans délires » et les « monomanies impulsives » caractérisées par la survenue brutale d’accès violents chez des sujets apparemment sains d’esprit.
Le débat fait rage entre les tenants d’une origine « morale » (la « folie morale » de l’anglais Pritchard décrite comme une maladie psychiatrique entrainant une « perversion maladive des sentiments, des penchants, et des dispositions morales ») et ceux de la « dégénérescence » comme Auguste Morel (origine héréditaire décadente de génération en génération).
Cesare Lombroso expose les traits du visage caractéristiques des « hommes délinquants » tandis que Franz-Joseph Gall imagine pouvoir lire sur les reliefs osseux du crâne la traduction des traits de caractère: c’est la naissance de la phrénologie.
Puis c’est Karl Birnbaum qui introduit en 1914 le terme de « sociopathie » avec une notion morale évidente : le sociopathe est à la fois le malade de la société et malade par la société.
Sigmund Freud, en inventant la psychanalyse, postule que la personnalité se construit au gré des interactions précoces de l’enfant avec ses parents. Des expériences infantiles de rupture et de perte aboutissent à une personnalité instable, marquée par des angoisses d’abandon et une fragilité narcissique (faiblesse de l’image de soi). Les sujets oscillent donc toujours entre fusion et rejet brutal, incapables de construire une relation s’inscrivant dans la durée par peur de rejouer la souffrance de la perte et de l’abandon.
Causes de la personnalité psychopathique
De nombreuses hypothèses ont été proposées pour expliquer les troubles de la personnalité psychopathique : un dérèglement hormonal, des troubles neurologiques frontaux, un défaut de la régulation émotionnelle, des traumatismes psychiques infantiles… Force est de constater qu’aucune théorie ne suffit à elle seule à expliquer toute la symptomatologie des troubles de la personnalité.
Il s’agit plus probablement d’une intrication de troubles biologiques liés à l’hérédité avec des facteurs psychologiques et éducatifs et sociaux. En cas de doute, un bilan biologique et une imagerie cérébrale permettent d‘éliminer les diagnostics différentiels (qui va permettre d’éliminer d’autres maladies psychiques ou physiques).
Conséquences de ce trouble de la personnalité
Les principales complications des troubles du comportement antisocial sont médicales (traumatismes en cas de rixes, transmissions virales en cas de consommation de stupéfiants, infections sexuellement transmissibles en cas de rapports non protégés…), addictologiques (dépendance à l’alcool, au cannabis et aux opiacés avec les risques liés au surdosage et au sevrage), mais aussi sociales (ruptures sentimentales, isolement voire rejet familial, difficultés financières), professionnelles (licenciements) et judiciaires (infractions à la loi sur les stupéfiants, conduites à risque, accidents de la voie publique, agressions physiques…).
Au plan psychiatrique, les troubles de la personnalité psychopathique sont à risque d’entrainer un épisode dépressif ou bien des troubles anxieux.
Le pronostic est sombre, avec une mortalité importante liée principalement à la violence, à la consommation de stupéfiants et au défaut de soins. Avec l’âge, les comportements violents ont tendance à s’appauvrir pour laisser place à une dépendance institutionnelle et sociale.
Prise en charge des psychopathies
Du fait de leur complexité, la prise en charge des troubles de la personnalité psychopathique implique de multiples intervenants médicaux, psychologiques et sociaux.
Il n’existe pas de traitement médicamenteux spécifique. Certains médicaments peuvent être proposés pour soulager de façon transitoire comme des sédatifs en cas d’agitation ou des anxiolytiques en cas d’angoisses.
Il est primordial de prendre en charge les pathologies associées comme une dépression par un traitement antidépresseur, ou une addiction en accompagnant un sevrage.
Le support psychologique peut être individuel ou en groupe. On pourra envisager différents types de thérapies en fonction de la demande du patient et de l’évaluation de ses difficultés. L’objectif sera de limiter l’impulsivité et l’agressivité, réduire le recours aux toxiques pour lutter contre l’angoisse, d’apprendre à gérer les situations de stress et de fluctuations émotionnelles. Le cadre thérapeutique, par sa constance et sa résistance aux mouvements qui émaillent la prise en charge permet à la personne de faire l’expérience de la continuité et de la sécurité de la relation qui a jusque-là fait défaut.
Les travailleurs sociaux accompagneront la recherche d’un logement, d’un emploi ou d’une formation pour structurer un équilibre de vie propice à la prise en charge.
En cas d’acte pénalement répréhensible, les sanctions pourront aller de l’amende à l’incarcération. 30 à 60% des détenus présenteraient des traits de personnalité psychopathique.