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Les Psychotraumatismes

« Je ne l’ai pas vu arriver mais j’ai tout de suite su qu’il avait un flingue… Je me suis dit «  il va me tuer »… J’étais tétanisée, je ne pouvais plus parler, je tremblais tellement que je n’arrivais pas à ouvrir le coffre… Il m’a bousculée violemment en disant des mots orduriers et j’ai perdu mes urines… J’y pense sans cesse… cela fait 6 mois et je n’ai jamais pu retourner sur les lieux… Je n’ose plus sortir… Je crois le reconnaître partout… J’ai le sentiment d’avoir quelqu’un dans mon dos… Je me retourne tout le temps… C’est horrible… Jamais je n’arrive à cesser d’avoir peur, même un instant… Ma vie est foutue… Souvent je pense que je vais me flinguer ».

Mathilde, 37 ans, responsable de caisse dans un supermarché, menacée avec une arme à feu en regard de la nuque il y a six mois.

 

Sous le terme « psychotraumatismes », on entend « toutes les conséquences psychologiques de la confrontation brutale d’un individu à une agression ou à une menace pour sa vie ou celle d’autres personnes présentes lors de l’agression ».

Ce sont des troubles plus fréquents qu’on ne pourrait le croire. Ils vont concerner entre 6 et 10% de la population. Et dans certains cas, ils peuvent conduire à des souffrances psychiques majeures et très invalidantes.

Le psychotraumatisme est pourtant un trouble encore très méconnu et bien qu’on sache aujourd’hui qu’un pronostic favorable de l’évolution de la maladie dépend pour beaucoup de la précocité de la prise en charge, même les médecins n’ont pas toujours été formés à les reconnaître.

On a tous, bien sûr, entendu parler de « cellules d’urgence médico-psychologiques » après les grandes catastrophes naturelles ou les attentats collectifs. Et les médias mettent volontiers alors l’accent sur le caractère potentiellement traumatique de ces évènements très marquants aussi pour le grand public.

Mais, il existe d’autres types de violences plus quotidiennes et moins visibles pour le commun des mortels. Les violences individuelles et en particulier les violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants sont aujourd’hui encore banalisées, et même quelquefois vécues comme stigmatisantes. Pourtant, les viols et violences laissent des séquelles indéniables et ont, en particulier, un retentissement sur le développement psycho-affectif des enfants.

Le psychotraumatisme : réaction normale à un stress ou pathologie psychiatrique?

Le terme de « psychotraumatisme » recouvre ces deux réalités.

La réaction de stress immédiat qui se produit suite à un événement de grande violence que l’on aurait à subir est tout à fait « normale ». Elle est « adaptée » aux circonstances et dans la très grande majorité des cas, elle est de courte durée : on parle d’« état de stress aigu ».

Parfois cependant, ces troubles vont s’installer dans la durée et de manière plus ou moins grave. Pour certains, ils peuvent être même très sévères. On va parler alors d’« Etat de Stress Post-Traumatique » (ESPT).

L’« Etat de Stress Post-Traumatique » est une pathologie psychiatrique à part entière (qui va concerner entre 6 à 10% de la population sur la durée de toute une vie). Il est deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes et est très souvent associé à une dépression et/ou un problème d’addiction à l’alcool ou à d’autres substances.

Quel type d’événements est susceptible de provoquer un psychotraumatisme ?

Au sens strict, on peut craindre un psychotraumatisme lorsque « la personne a vécu, ou a assisté à, un ou plusieurs évènements impliquant pour soi ou pour autrui, une menace, réelle ou évaluée comme telle, mettant en danger la vie ou l’intégrité physique ».

La nature de l’événement traumatique constitue le premier facteur de risque d’un Etat de Stress Post-Traumatique. Très clairement, « les catastrophes d’origine humaine sous-tendues par une intention de nuire » sont davantage pourvoyeuses d’ESPT (attentats, agressions, braquages) que les catastrophes naturelles.

Ainsi, le viol occasionne 60 à 80% d’ESPT contre 5 à 10% après une catastrophe naturelle et 10 à 30% après des attentats.

Qui va développer un Etat de Stress Post-Traumatique ?

Est-ce qu’il existe des facteurs de personnalité pré-existants ?

Face à un même évènement, chacun réagira différemment. Et même après un évènement traumatique d’une exceptionnelle gravité, tout le monde ne développera heureusement pas un Etat de Stress Post-Traumatique. Il n’y a pas de facteur de personnalité identifié qui prédisposerait à développer un ESPT. On peut même dire que toutes les victimes de violence sans exception sont susceptibles de développer de tels troubles.

Tout va dépendre de la nature et des circonstances de l’événement traumatique et de la façon dont il est perçu par le sujet dans son histoire. Car certains évènements traumatiques antérieurs peuvent avoir un rôle vulnérabilisant.

La notion de « support social » et « la façon dont l’événement traumatique est perçu par la société » revêtent aussi un rôle majeur. Par exemple, les combattants des deux guerres mondiales étaient considérés comme des « héros de la France » et il y eut (toutes proportions gardées) peu d’ESPT. A l’opposé, la guerre du Vietnam aura fait plus de décès par suicide aux Etats Unis que de morts au combat…

C’est la « situation traumatique » qui est « anormale » et non la réaction de la personne face à cette situation. Et la majorité des personnes (75 à 80% environ, tout dépend du type de traumatisme) va réussir à surmonter l’événement traumatique.

Quels sont les symptômes cliniques qui vont caractériser le psychotraumatisme ?

En fonction de l’évolution des symptômes dans le temps, on va distinguer les troubles immédiats et post-immédiats (Etat de Stress Aigu) qui sont une réaction normale et adaptative face à un événement violent et grave, et les troubles chroniques (Etat de Stress Post-Traumatique) qui peuvent eux durer très longtemps, voire toute une vie en l’absence de traitement.

L’état de stress aigu

La durée de cet état est d’environ un mois.

Dans les premières heures, différents comportements peuvent se manifester: la personne peut montrer une agitation anxieuse très expressive comme des pleurs, ou au contraire avoir un comportement hyper-contrôlé, apparemment calme et le risque alors est d’en sous-estimer la gravité. L’intensité des symptômes présentés n’est pas toujours en relation directe avec l’intensité de la violence de l’évènement traumatique ce qui peut participer à la sous-évaluation diagnostique.

Cette phase de désarroi est transitoire. Mais les sentiments de peur, de culpabilité, de honte sont quasi constants même s’ils sont plus ou moins manifestes.

Certaines personnes vont réussir plus facilement à surmonter le traumatisme car elles ont pu, durant l’évènement traumatique, mettre en œuvre tous leurs moyens de défenses physiques et psychologiques, par exemple crier, fuir, élaborer des stratégies. D’autres présenteront des manifestations cliniques initiales plus sévères et inquiétantes (« dissociation péritraumatique », « détresse péritraumatique »).

L’Etat de Stress Post-Traumatique

Au delà d’une période d’un mois, on va parler d’Etat de Stress Post-Traumatique, et à partir de 6 mois environ, d’Etat de Stress Post-Traumatique chronique.

Parfois, il arrive que l’Etat de Stress Post-Traumatique se déclenche de façon différée chez une personne qui n’avait pas présenté de signes de stress aigu.

Dans tous les cas, l’Etat de Stress Post-Traumatique associe trois grands groupes de symptômes :

  • Le « syndrome de reviviscence » : il s’agit de souvenirs intrusifs de l’événement traumatique, suscités par tout ce qui peut y être associé : un bruit, une odeur, une image… Ces souvenirs sont sources de longues ruminations (ressassements), mais également de « flashbacks », de cauchemars et de réactions de peur. C’est « comme si » l’événement traumatique allait se reproduire. Ces ressassements sont toujours vécus avec une angoisse intense qui peut envahir parfois tout le quotidien.
  • Le « syndrome d’évitement » : la personne va alors éviter toutes les situations qui réactivent l’angoisse. Il peut s’agir aussi bien d’un lieu que de circonstances qui pourraient sembler trop similaires ou même de pensées. Le patient va chercher à « éviter » ses propres pensées en se repliant sur lui-même, dans un monde imaginaire, voire dans l’amnésie de l’événement traumatique.
  • Le syndrome d’hyperréactivité neuro-végétative : ce sont des signes d’« hyper-vigilance » ou d’« état d’alerte quasi-permanent ». La personne va alors pouvoir présenter des réactions de sursaut ou une grande irritabilité, ou encore une hypersensibilité, ou bien des troubles de l’attention et de la concentration, ou enfin un sentiment de profonde fatigue physique et psychique.

A plus long terme, l’Etat de Stress Post-Traumatique peut entraîner de véritables modifications de la personnalité avec une attitude méfiante et hostile, un retrait social, des sentiments de vide et de perte d’espoir, de menace et d’insécurité permanente, de détachement affectif.

Dans 75% des cas, il existe une pathologie associée et c’est bien souvent à cette occasion qu’est fait le diagnostic :

– les dépressions sont très fréquentes (50%), mais également les troubles anxieux (attaques de panique, agoraphobie, trouble anxieux généralisé), les conduites suicidaires (particulièrement chez les victimes de violence sexuelle dans l’enfance), les troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil et les troubles sexuels. Les addictions (alcool, drogues) vont concerner 30 à 50% des patients.

Lorsqu’ils ne sont pas pris en charge, les psychotraumatismes peuvent avoir des conséquences lourdes sur la vie affective, sexuelle, professionnelle, sociale.

La prise en charge des psychotraumatismes

Dans la première période de stress aigu (état de stress aigu), il est important de consulter auprè d’un spécialiste. Celui-ci saura donner les premiers conseils et orienter sur les démarches à suivre. Il ne va pas prescrire en principe de médicament. Quelques consultations sont cependant souhaitables pour dépister précocement l’éventuelle apparition d’un Etat de Stress Post-Traumatique.

La grande difficulté, dans les moments qui vont faire suite à l’événement traumatique, tient surtout au caractère assez peu prévisible d’une évolution de l’état de stress aigu à celui d’Etat de Stress Post-Traumatique.

Il est particulièrement important de faire établir un certificat médical initial, même en l’absence de toute blessure physique. Ce certificat doit être préférentiellement établi dans une consultation spécialisée. Il sera la pièce essentielle tant dans le contexte d’une procédure judiciaire que pour la prise en charge des soins ou pour faire reconnaître un éventuel accident du travail.

La psycho-éducation peut avoir également un rôle essentiel. Le simple fait de se voir expliquer par un spécialiste que les symptômes ressentis n’ont rien d’ « anormal », le fait de s’entendre décrire par avance les différentes possibilités d’évolution peuvent soulager considérablement l’angoisse légitime de la personne et de ses proches. Il existe également des brochures explicatives qui sont disponibles dans toutes les consultations spécialisées.

S’il s’agit d’un Etat de Stress Post-Traumatique constitué :

Le traitement repose d’abord sur les psychothérapies spécifiques : Thérapies cognitivo-comportementales surtout, la thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, très utilisée dans cette indication, Cette technique apparue dans les années 90 permet d’aider au retraitement des informations dans le cerveau avec des résultats notables). Les thérapies d’inspiration psychanalytique prenant en compte la spécificité du psychotraumatisme sont de plus longue haleine.

Quelle que soit la psychothérapie utilisée, le praticien doit bien connaître les particularités du psychotraumatisme et il est préférable de s’adresser à des consultations spécialisées.

Au niveau médicamenteux : certains antidépresseurs, agissant sur la recapture de la sérotonine, sont souvent prescrits. Ils ne se substituent pas aux psychothérapies, qui sont indispensables à ce stade, mais complètent leurs résultats.

Est-ce qu’on s’en sort ?

Oui, bien sûr.

Pour les états de stress aigus : il s’agit d’une réaction adaptative et non d’une pathologie et l’évolution spontanée est dans 75 % des cas favorable.

Pour l’Etat de Stress Post-Traumatique : le taux de rémission est très variable selon les circonstances : de 8 à 89% selon le type d’événement traumatique. Plus la durée d’évolution augmente, moins bon peut être le pronostic.

A qui s’adresser ?

A l’INAVEM (Fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation) qui peut fournir toutes les informations et coordonnées nécessaires, notamment des consultations spécialisées (sur tout le territoire national) dans la prise en charge du psychotraumatisme.

Quelques conseils à l’entourage :

Laisser la victime d’un événement traumatique parler et répéter un nombre incalculable de fois la scène : durant les premiers jours, il s’agit d’une réaction normale d’élaboration psychique, une recherche de sens. Ce « partage social » qu’offre l’expression verbale de ses émotions, même s’il est difficile pour l’entourage, contribue à une évolution positive.

Autant que possible, il est important d’aider la victime à vivre normalement : les conduites d’évitement, en particulier, renforcent l’angoisse et peuvent faire le lit d’authentiques phobies.

L’information sur les suites possibles est primordiale. Si la personne victime d’un psychotraumatisme connaît les symptômes de l’ESPT, elle pourra comprendre ses réactions et oser s’exprimer dès l’apparition de certains signes cliniques. Elle ne craindra pas de paraître « faible ». Le silence ne peut qu’augmenter son niveau de détresse.

Le soutien, la bienveillance vont aider la personne à mobiliser ses propres ressources. Une hyper-protection même si elle est bienveillante n’est pas positive. Lorsque quelqu’un a « subi » dans une totale impuissance un événement traumatique, tout doit être fait par la suite pour lui permettre de reprendre le contrôle de sa vie.

Le « sentiment de culpabilité » et « la culpabilité » sont deux choses distinctes car « le sentiment de culpabilité » n’est pas rationnel. Bien que les victimes ne soient pour rien dans l’événement vécu et que le « sentiment de culpabilité » ne s’exprime pas de la même façon pour tous, ce dernier est constant et exacerbé chez toutes les personnes ayant subi des violences. Il fait partie intégrante du trauma. Des questions telles que « Mais aussi qu’est-ce qui t’a pris d’aller à cet endroit à une heure pareille? » ne peuvent servir qu’à le renforcer, car la personne ne cesse de se le répéter à elle-même et de telles remarques sont forcément vécues très douloureusement.

Il ne sert à rien non plus de rejeter les sentiments ressassés par la personne en souffrance : « Arrête… Je ne veux plus t’entendre dire cela… » . C’est malheureusement une étape nécessaire. Le « ressassement » disparaîtra en quelques semaines lorsque le trauma sera métabolisé (« digéré » ; « accepté »).

 

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