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Condition Féminine

De la double oppression des femmes immigrées

Le dernier projet de loi relatif à l’entrée et au séjour des étangers en France et au droit d’asile perpétue les discriminations à l’égard des femmes. Les femmes étrangères en France sont en but à une double marginalisation, en tant qu’étrangère d’abord et en tant que femmes ensuite. Les dernières dispositions de la loi restant marquées par la discrimination sociale, l’émiettement des statuts, la suspicion à l’égard des étrangers, tout ceci favorisant la précarisation de l’ensemble des étrangers, mais aussi le maintien de la condition d’oppression des femmes immigrées.

ETAT DES LIEUX

Les 619000 femmes étrangères vivant en Ile de France représentent les 2/5èmes des étrangères recensées en France. Les femmes ne représentent encore que 45% des étrangers.

Elles sont majoritairement jeunes (en Ile de France, 70% d’entre elles ont moins de 40 ans). La nationalité portugaise est toujours la plus représentées parmi les étrangères. Viennent après les resortissantes du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne.

En 10 ans, la fécondité des femmes de nationalité étrangères vivant en France a baissé de 11%. Aujourd’hui, ces femmes ont en moyenne moins de 3 enfants. Chez les femmes turques et originaire d’Afrique noire les taux de fécondité restent cependant assez élevés.

L’activité professionnelle des femmes étrangères est croissante. Mais celles-ci restent cantonnées dans des secteurs particuliers: hôpitaux, les grandes surfaces, le nettoyage. Or ces secteurs ne sont autres que ceux prolongeant la sphère domestique traditionnellement dévolue aux femmes.

Rappel : l’importance des migrants dans la précarité (R.M.I., Chômage, C.E.S., etc., problèmes d’accès à la santé, à l’éducation, …) n’est plus à démontrer.

PROBLEMES LIES A L’ORIGINE CULTURELLE DES FEMMES ETRANGERES

Plus encore que les femmes françaises, les femmes étrangères sont en butte aux discriminations. Non seulement dans leur pays d’origine, mais également en France. Ici, il leur faut d’ailleurs répondre aussi bien aux difficultés liées à leur culture d’origine qu’aux difficultés inhérentes au statut de femme immigrée.

2.1 – Le Poids des traditions

Dans de nombreux pays, les femmes sont accablées par le poids des traditions et le manque d’instruction. Leur respectabilité, elles ne l’acquièrent qu’à la condition de tenir leur « places » de femme, d’épouse, de mère, places évidemment subordonnées par rapport à celles des hommes. Les inégalités de sexe, particulièrement vives dans les pays pauvres, se trouvent transposées en France, fréquemment aggravées par les handicaps socio-économiques liés au statut d’immigré. Au delà des problèmes que connaissent toutes les femmes (inégalité de traitement dans le travail, la famille, etc., difficultés à faire respecter leur droit à disposer de leur corps, …), beaucoup de femmes étrangères (voire de femmes issues de l’immigration) se trouvent confrontées sur notre sol à des atteintes graves à leur liberté individuelle (non seulement telles que l’interdiction par leur mari de travailler au dehors, d’avoir recours à la contraception, mais aussi la menace de la répudiation, le mariage hors de leur consentement, la séquestration, la polygamie, les mutilations sexuelles, etc.).

2.2 – Le poids de l’administration

Encore une fois, soulignons combien l’isolement de ces femmes se trouve renforcé par la politique de la France à leur égard. Selon les observateurs, les problèmes d’avortement et de contraception par exemple chez les femmes étrangères sont accrus par l’absence d’autonomie financière des femmes, leur absence parfois de couverture sociale, de titre de séjour qui les maintiennent dans une grande dépendance vis-à-vis du mari ou du père. Nous pourrions évidemment faire la même remarque à propos de n’importe laquelle des formes d’oppression connues par les femmes immigrées.

C’est pourquoi nous prônons un changement radical de politique à l’égard des femmes immigrées. Prenons un exemple, celui de la polygamie. Dans la politique d’immigration en vigueur, celle-ci est vivement condamnée. Mais il semble que la polygamie serve de prétexte pour refouler un certain nombre d’étrangers… qu’elle soit effective ou non. En effet, il existe au Sénégal ou au Mali une possibilité de choix entre se marier sous le régime de la polygamie ou sous celui de la monogamie. En réalité, les actes d’état civil sont systématiquement rédigés avec la mention « mariés sous le régime polygamique », ce qui a parfois servi de motif pour une expulsion. On observe par ailleurs que les conditions « d’état de polygamie » et de « menace à l’ordre public » disparaissent curieusement pour certaines catégories professionnelles d’immigrés. Cette condition n’est pas exigée des étudiants, des chercheurs, des intellectuels, des artistes et des diplomates étrangers. Elle vise bien à repousser les travailleurs et travailleuses qui viennent chercher un emploi en France. Un autre aspect à souligner relativement à cette loi est l’omission d’une réglementation par rapport aux T.O.M.. Ces territoires reconnaissent les moeurs et les coûtumes des pays d’origine des immigrés. Quant à Mayotte par exemple, elle est régie par un droit musulman, y compris lorsque celui-ci s’applique contre les femmes (Sic!).

De notre côté, nous sommes évidemment contre la polygamie lorsqu’elle est contraire à l’égalité des droits entre hommes et femmes. En France, en plus d’une inégalité entre mari et femme, elle signifie par ailleurs une inégalité supplémentaire entre les femmes étrangères (exemple: le statut d’ayant droit de la sécurité sociale n’est reconnu que pour une seule épouse). En France, les femmes dont le mari est polygame n’ont même pas l’autonomie qu’elles ont en Afrique en raison des difficultés à obtenir un statut légal, un accès aux soins, aux prestations sociales, du fait également de la cohabitation dans un même appartement des différents membres de la famille.

Mais nous ne pensons pas que l’on réduira la polygamie inégale en l’interdisant. Il s’agit d’encourager sa disparition par une plus grande autonomie des femmes. Non seulement il paraît inacceptable de demander à l’homme de choisir celle qui parmi ses coépouses pourra venir ou rester en France, ceux parmi ses enfants qui pourront le suivre, mais par ailleurs la situation de précarité dans laquelle cette politique met les femmes est absolument scandaleuse. Une femme en situation irrégulière reste plus facilement qu’aucune autre enfermée dans sa condition. Il serait en revanche indispensable de donner à la femme un statut autonome qui lui donne la possibilité de divorcer, d’avoir son autonomie financière, etc. C’est actuellement loin d’être le cas !

LES DROITS DES ETRANGERES EN FRANCE : BREF INVENTAIRE DE SITUATIONS D’INEGALITE

Sur le terrain, les associations de soutien aux immigré-e-s ont constaté des inégalités de traitement entre hommes et femmes, notamment au regard de la délivrance des titres de séjour: titre de visiteu-r-se-s bien souvent (jusqu’à 10 ans!) et titres sans autorisation de travail pour les femmes, titres de séjours soumis aux revenus du mari, impossibilité de constituer les dossiers de régularisation car souvent l’époux refuse de fournir les justificatifs à son épouse.
Ces manières d’agir de la part des préfectures doivent beaucoup à l’orientation des textes eux-mêmes qui maintiennent l’oppression des femmes.

3.1 – Dans la législation française

  • Droit de séjour : Le statut des femmes immigrées se réduit fortement à celui d’épouses, subordonné à la nationalité du conjoint (l’Africaine épouse d’un Européen de l’U.E. a en France les mêmes droits qu’une Européenne…). Et en cas de divorce, de veuvage dans l’année qui suit le regroupement familial par exemple, les femmes peuvent voir leur carte de résidence non renouvelée: elles ne sont en France qu’à titre subsidiaire. Si le conjoint décide seul de retourner au pays, l’épouse peut se voir obligée de restituer son titre de séjour.
  • En cas de regroupement familial : Pour commencer, dans la grande majorité des cas, l’immigration en célibataire est le fait d’hommes. Tandis que pour les hommes, il reste une petite possibilité d’entrée sur le territoire – selon les besoins de l’économie : ouvriers du bâtiment… -, pour les immigrées, il ne reste que la clause du regroupement familial…, il ne reste que la soumission à la condition de mère et d’épouse, mais pas celle d’individu ou de femme. N.B.: En France, beaucoup de femmes sont en situation irrégulières du fait des conditions de logement imposées par les règles du regroupement familial, ce qui ne fait que renforcer leur dépendance à l’égard de leur mari.
    La population étrangère en France peut bénéficier sous certaines conditions du dispositif de regroupement familial. L’initiative appartient donc, dans l’immense majorité des cas, au seul mari en France. La femme restée au pays ne peut le demander et reste soumise au bon vouloir de son mari (et de l’administration française). De surcroît, l’émigration n’étant pas considérée comme abandon du domicile conjugal au pays, l’épouse ne peut rien contre son conjoint qui refuse de la faire venir.
  • Femmes de polygames : Une seule femme a droit à la régularisation. Les autres sont sans droit et n’ont donc d’autres possibilités que de rester totalement dépendantes de l’homme. Tous les articles du projet de loi concernant la délivrance de cartes de séjour pour ceux ou celles qui prétendent travailler en tant que salarié-es en France, sont soumis à la clause « ne vivant pas en état de polygamie ». Dans le cas où l’homme est polygame et décide de devenir effectivement monogame, il pourra éventuellement obtenir un titre de séjour. Les femmes qu’il aura abandonnées restent sans droit, hors la loi. On a interdit la polygamie, mais l’aspect de défense et de création d’outils de solidarité avec les femmes qui subissent « l’état de polygamie » n’est nullement considéré.

3.2 – Du côté des lois des pays d’origine

Dans un certain nombre de pays des lois existantes subordonnent les femmes aux hommes. Certaines de ces lois ont même trouvé à s’insérer dans le Droit français (plus exactement dans le Droit International Privé Français, manière dont la loi française accueille le droit étranger).

Exemples:

  • – La répudiation (dissolution du mariage sur simple volonté du mari), prononcée au pays ou, pour certains, au Consulat en France (Maroc).
  • – La convention bilatérale franco-marocaine, qui non seulement ne permet pas au juge français d’écarter la loi marocaine, laquelle régit les ressortissants marocains en France, mais qui de plus soumet les Françaises épousant un Marocain au Maroc à l’obligation d’avoir un tuteur matrimonial pour les représenter.
  • – Discrimination entre femmes françaises « de souche » et les autres Françaises (a fortiori les femmes ressortissantes étrangères) quant à la garde des enfants.
  • – Accord bilatéral franco-algérien (signé en 1988): le départ du mari conditionne le départ de la femme.
  • – Etc.

POUR UN STATUT AUTONOME DES FEMMES IMMIGREES

4.1 – Pour un statut autonome des femmes immigrées

Comme les lois précédentes, la loi Chevènement n’accorde aucune place à la situation spécifique des femmes. Pourtant, comme on le voit une réflexion à ce sujet est nécessaire. En dehors de leur statut d’épouse, les femmes immigrées ne sont pas reconnues comme des êtres à part entière.

Il serait nécessaire que:

  • Les femmes, qu’elles soient séparées, isolées, épouses de polygame, puissent bénéficier de plein droit d’un statut autonome et d’un titre de séjour assorti d’une autorisation de travail systématique.
  • Elles puissent accèder directement aux prestations sociales. En cas de polygamie, le mari reçoit systématiquement les allocations de ses 2ème, 3ème, … épouses (!!!) puisque celles-ci n’ont pas d’existence légale. En ce qui concerne la Sécurité Sociale, même chose: seule, la 1ère épouse peut y prétendre. A savoir, les autres épouses peuvent souscire à une assurance privée. Mais elles dépendent généralement pour cela des ressources du mari. En général, il préférera laisser les choses en leur état.
    N.B.: il est curieux qu’il n’y ait pas en France de Sécu pour les co-épouses alors qu’on reconnaît à la concubine d’un homme marié un statut d’ayant droit…
  • ne soient pas considérées comme primo-migrantes, les jeunes femmes revenant en France après un séjour forcé dans le pays d’origine de leurs parents. – soit créé un statut propre pour les femmes désireuses d’accoucher ou d’avorter en France. Des femmes viennent du Maghreb en France uniquement pour accoucher ou avorter parce qu’être mère célibataire est impossible là-bas. Mais on leur interdit d’avorter, et sitôt après leur accouchement elles doivent s’en aller.

4.2 – Pour un droit d’asile lié aux discriminations sexistes

Il semble nécessaire de créer un statut propre pour les femmes victimes de persécutions sexistes dans leur pays (mutilations sexuelles, maltraitances, mariages forcés, viols de guerre, etc.).

4.3 – Pour des moyens destinés à favoriser l’émancipation des femmes étrangères

Un certain nombre d’associations existent déjà, généralement subventionnées par le F.A.S. (Fond d’Action Sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille) telle que celles qui luttent sur le terrain des mutilations sexuelles: exemple: le G.A.M.S., Groupe de Femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles ou la F.I.A.I.S.M., Femmes Inter Associations Inter Service Migrants, qui édite la revue « Regards, Femmes d’Ici et d’Ailleurs ». Les efforts restent toutefois complètement insuffisants à l’égard des problèmes recensés.

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