La plupart du temps, la prise en charge d’une maladie psychique se fait en ambulatoire, c’est-à-dire hors d’une structure hospitalière. Comme pour toutes les maladies, le plus courant est que la personne qui se sent souffrante aille consulter chez son médecin traitant pour avoir au moins un premier diagnostic et un premier traitement. En général, notre médecin traitant est le médecin que nous avons choisi pour notre suivi médical. Il nous connaît bien et nous le connaissons bien. Et cette proximité est un atout. Cela facilite le contact et la relation thérapeutique car il existe déjà une relation de confiance entre nous et parce que de plus ce dernier a une bonne connaissance de nos antécédents médicaux.
Lorsque l’on souffre d’une maladie psychique, il est également courant d’être suivi par un spécialiste psychiatre ou de consulter dans une structure comme les Centres Médico-Psychologiques (CMP). Dans le cadre du parcours coordonné de santé, ce sera également notre médecin traitant qui pourra organiser cette prise en charge auprès d’un spécialiste, à moins que l’on ne préfère le chercher soi-même.
Enfin, et c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, il arrive aussi que notre état de santé devienne préoccupant et nous alarme, nous ou nos proches. Des soins spécifiques ou d’urgence seront alors nécessaires et pour cela, on pourra alors avoir recours à une hospitalisation.
Mais à partir de quand doit-on s’alarmer et envisager l’hospitalisation ? Et quelles sont les modalités d’hospitalisation en psychiatrie ?
Il n’est pas toujours simple, surtout pour le patient, de définir à partir de quel moment il faut s’inquiéter vraiment de son état et avoir alors la réaction adéquate. Lorsque notre esprit est affecté par la maladie, cette dernière affecte aussi parfois notre capacité de nous percevoir comme malade ou de réagir de manière adaptée pour faire face aux évènements. Et si la plupart du temps, ce sont les patients eux-mêmes qui, conscients de la gravité de leur état, demandent leur hospitalisation, ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Plusieurs possibilités se présentent alors. Il se peut que les proches soient très alarmés, qu’ils essaient de convaincre la personne souffrante et qu’ils y arrivent. Il arrive aussi que l’état de la personne souffrante rende difficile toute décision ou que cette dernière (parce que très malade) soit hostile à toute prise en charge. L’hospitalisation, si elle s’impose comme nécessaire, sera alors décidée par une personne autre que le patient. Le « tiers » (c’est ainsi qu’il est nommé) devra dans ce cas faire une demande spécifique. En psychiatrie, il existe donc plusieurs modalités d’hospitalisation. Elles correspondent aux différents cas que nous venons d’évoquer.
Si pendant des siècles, la personne souffrant de maladie mentale a été considérée comme un être à tenir à l’écart de la société car potentiellement dangereux et de toute façon dérangeant, on peut dire que notre société et notre manière de penser cette maladie a fondamentalement changée (même si nous sommes tous conscients que des progrès sont toujours possibles). Et bien que notre imaginaire et notre mémoire collective gardent encore présents les anciens asiles d’aliénés où l’on enfermait ces personnes que l’on ne considérait plus vraiment comme des êtres humains, il y a bien longtemps que ce type d’établissement a disparu. Aujourd’hui il n’est plus question d’enfermer, mais de soigner. Les médicaments psychotropes et les psychothérapies sont apparus et se sont développés apportant de vraies solutions thérapeutiques à la maladie. De plus, les temps et les gens sont autres, on comprend de mieux en mieux le fonctionnement du cerveau et la médecine psychiatrique comme la médecine en général a profondément changé dans sa pratique et ses moyens. Si l’hospitalisation continue à exister, elle est un recours d’urgence et les temps d’hospitalisations se réduisent (d’autant plus que la société a de plus en plus de mal à en assumer les coûts). L’enjeu est de faire tout en sorte pour que la personne reste autonome et intégrée dans la communauté.
Confirmant ce changement de vision et de politique psychiatrique, la législation en matière d’hospitalisation en psychiatrie a elle-même évolué et ces deux dernières décennies ont connu de grands changements. Si la première loi concernant la prise en charge des malades mentaux remontait au 30 juin 1838 et la dernière à 1968, deux nouvelles lois ont vu le jour en l’espace de vingt ans. Il y a d’abord eu la loi du 27 juin 1990 « relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux », puis, une nouvelle réforme, celle du 1ier août 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques ». On peut noter déjà que dans la dernière loi, le législateur ne parle plus d’ « hospitalisation » mais de « soins ». On a recours à un établissement spécialisé pour un soin spécifique et l’accent est mis sur l’acte de soigner, de prendre en charge et non sur le lieu qui ne sera plus forcément l’hôpital.
Les Soins libres (SL) donc, dénommés anciennement hospitalisation libre (HL) sont le cas d’hospitalisation le plus fréquent. Elle concerne environ 90% des patients hospitalisés. Dans ce type d’hospitalisation, le patient a conscience de la gravité de son état et consent à cette prise en charge dans une structure spécialisée. Il dispose exactement des mêmes droits que tous les autres patients hospitalisés dans les autres spécialités médicales. Ceci implique, entre autres, une liberté de mouvement, et la possibilité de quitter l’hôpital quand il le souhaite (si cela ne le met pas en péril).
Comme nous l’avons expliqué plus haut, il arrive aussi que le patient ne soit plus en état de prendre une quelconque décision. Lorsque le consentement est rendu impossible par la gravité des troubles et que pourtant, l’état du malade nécessite des soins immédiats et une surveillance constante, il est possible de demander une SPDT ou Soins Psychiatriques à la Demande d’un Tiers (en général un proche). Cette demande était anciennement dénommée Hospitalisation sur Demande d’un Tiers (ou HDT). Il existe également des SPDT en cas de Péril Imminent.
Pour les soins psychiatriques sans consentement du patient, la loi a prévu une procédure très stricte afin de garantir les droits du malade pour cette période d’urgence. Puisque le patient n’est pas en mesure de faire sa demande d’admission, un membre de sa famille ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt doit faire cette demande de manière manuscrite dans un document daté et signé par le demandeur. Figureront également dans ce document son état civil et son degré de parenté.
Pour plus de sécurité, cette demande sera accompagnée par deux certificats médicaux :
– le premier provenant d’un médecin extérieur à l’établissement d’accueil.
– le second fait par un médecin de l’établissement de santé confirmant les raisons de l’hospitalisation évoquées dans le premier certificat.
Un troisième certificat accompagnera les deux précédents. Il sera établi par un psychiatre qui aura examiné le patient. Cet examen devra avoir eu lieu dans les 24 premières heures de l’hospitalisation et le certificat ne sera valable que deux semaines. Ensuite, il devra être renouvelé tous les quinze jours après examen du patient.
Toujours dans l’esprit de garantir le respect de la liberté de la personne, cette modalité d’hospitalisation se réalise de plus sous le contrôle du juge de libertés et la détention (JLD). Cette mesure a été introduite à la demande du Conseil Constitutionnel. À partir du 1ier septembre 2014, les audiences des personnes hospitalisées devant le juge doivent se tenir dans une salle spécialement aménagée à l’intérieur même de l’établissement qui accueille le patient. Cette audience doit se réaliser dans les 15 premiers jours de l’hospitalisation. Elle présente une occasion pour la personne hospitalisée d’exprimer son désaccord avec son hospitalisation. La personne peut demander à être assistée par un avocat (ce qu’il n’est pas obligatoire). Après l’audience, le juge peut mettre fin à l’hospitalisation.
Si ce n’est pas le cas, le malade quittera l’hôpital dès que son état ne justifiera plus ce type de soins, ou en l’absence d’un certificat de renouvellement, ou sur demande de la personne qui a signé la demande d’admission, ou sur décision d’une autorité de justice ou du préfet.
Pour connaître les modalités de la SPDT, le plus simple est d’appeler l’établissement de santé qui vous indiquera comment procéder.
Et enfin, il existe un dernier type d’hospitalisation : les Soins Psychiatriques sur Décision du Représentant de l’Etat (SPDRE) anciennement nommés l’Hospitalisation d’Office ou HO. Ce type de soins ne concerne que très peu de personnes et est très rare. Il faut que l’ordre public soit compromis par le « trouble mental » pour que de telles procédures soient mises en place. C’est le préfet lui-même qui doit en faire la demande, ou dans l’urgence, le maire ou un commissaire de police qui pourront signer un arrêté provisoire. Il faudra ensuite présenter tout un ensemble de pièces justificatives pour démontrer l’urgence et l’intérêt d’un tel arrêté.
À l’heure actuelle, l’hospitalisation dans un établissement psychiatrique est donc à la fois très limitée (c’est uniquement un recours d’urgence quand l’état de santé du patient et la spécificité des soins le requièrent), et très réglementée (pour garantir justement les droits et la protection des personnes devant recevoir des soins en psychiatrie). Mais, qu’elle soit libre ou à la demande d’un tiers, l’hospitalisation en psychiatrie interroge finalement toujours sur les droits et le respect des libertés de la personne humaine. Si je nécessite ces soins spécifiques, c’est parce que je traverse un moment difficile et que ma maladie affecte mes capacités mêmes à raisonner et à prendre les « bonnes » décisions. Je vais donc être forcément plus dépendant des autres, de leur regard qui va juger de la gravité de la situation, de leur attitude et décisions qui peuvent me contraindre et limiter ma liberté, mais qui peuvent aussi parfois (il ne faut pas l’oublier) me sauver la vie. On ne réécrit jamais l’histoire et on ne peut plus rien faire lorsque l’irrémédiable est fait… Alors que faire quand la décision d’hospitalisation s’oppose à la volonté de la personne souffrante? Pour les proches, les décisions sont dures et difficiles à prendre. Où s’arrête la liberté de chacun? Où commence celle de mon ami(e), mon frère/soeur, mon fils/fille malade ? Est-ce que j’ai le droit de rester là et de ne pas intervenir ? Est-ce que si j’interviens, je n’outrepasse pas finalement mes droits et limite par là même les droits de l’adulte qui est en face de moi ? Ce sont les questions que les proches sont en droit de se poser. La demande d’hospitalisation est toujours un moment difficile à passer. Et quoi qu’on fasse, elle correspond à un moment de crise et de rechute pathologique, donc de souffrance pour le malade (mais aussi pour ses proches). La meilleure solution est peut-être d’en parler avant, lorsque tout va bien et qu’on a du temps pour réfléchir ensemble (proches et patient) et de manière réaliste afin de définir ce que l’on désire pour ces moments-là (lieu d’hospitalisation, personnes à prévenir, proche qui va m’accompagner, etc).
Pour aller plus loin
France culture dans la rubrique « émission » sous le thème « schizophrénie » : « comment j’ai enfermé mon frère »
Il s’agit du témoignage émouvant de deux sœurs et de leur frère souffrant de schizophrénie : il n’est jamais simple de faire le choix de la contrainte et de faire hospitaliser un proche sous la contrainte. Quelques années après, les principaux intéressés racontent.