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Psycho

L’aquaphobie ou la peur panique de l’eau

Martine est une jeune femme qui vit près de la mer, dans le sud de la France. Depuis 3 ans et suite à un traumatisme, elle ne parvient plus à s’immerger dans l’eau. La simple pensée de se retrouver éclaboussée l’angoisse au plus haut point. Rien qu’à l’idée de pouvoir recevoir quelques gouttes d’eau, sa gorge se noue, son cœur s’accélère, elle se retrouve en sueur avec l’impression qu’elle va mourir. De même, lorsque Martine se douche, elle évite de se mouiller le visage et se lave le plus rapidement possible. Elle ne va plus jamais à la plage et surtout elle ne parvient plus à accompagner ses jeunes enfants à la mer, ni même à la piscine, ce qui complique sérieusement son existence et celle de ses proches.

Martine reconnaît que cette peur est excessive. Elle est consciente du caractère anormal de son trouble et des conséquences qu’il a sur sa vie quotidienne et celle de sa famille. Mais elle n’arrive pas à le contrôler. Elle pense que la seule manière d’éviter l’angoisse ressentie au contact de l’eau et les attaques de panique comme elle a pu connaître est l’évitement de tous contacts avec l’eau.

Quels sont les symptômes de cette peur panique de l’eau ou aquaphobie ?

Selon le DSM-5 (dernière version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, qui fait référence pour les spécialistes du monde entier), la « peur panique de l’eau » ou « aquaphobie » fait partie des troubles anxieux. Cette catégorie regroupe tous les troubles qui se caractérisent par une peur (réaction à une menace réelle ou supposée) ou une anxiété (anticipation de cette menace future) excessives et inadaptées par rapport aux évènements. Cette peur ou cette anxiété va durer et va entrainer des « perturbations comportementales » comme le comportement d’évitement de Martine qui n’arrive plus à amener ses enfants à la piscine ou à la mer. Le DSM-5 établit un ensemble de critères nécessaires pour que le diagnostic d’aquaphobie puisse être posé par le psychiatre :

Critère diagnostique de la phobie spécifique

  • Peur ou anxiété intense à propos d’un objet ou d’une situation spécifique (ici il s’agit de l’eau, mais cela pourrait être prendre l’avion, les hauteurs, les injections, le sang, etc.).
  • L’objet ou la situation phobogène provoque presque toujours une peur ou une anxiété immédiate.
  • L’objet ou la situation phobogène est activement évité(e) ou vécu(e) avec une peur ou une anxiété intense.
  • La peur ou l’anxiété est disproportionnée par rapport au danger réel, à la situation ou au contexte.
  • La peur, l’anxiété ou l’évitement durent depuis plus de 6 mois et causent une souffrance cliniquement significative ou des dysfonctionnements sociaux, professionnels, etc.
  • Ce trouble ne peut pas être expliqué par une autre maladie psychique (TOC, Trouble stress post-traumatique, etc.).

(D’après le DSM-5)

Quelles sont les causes de l’aquaphobie ?

Comme pour toutes les phobies, les origines de l’aquaphobie sont multiples. Il peut dans certains cas y avoir un traumatisme initial clairement identifié, comme par exemple un stress important subi durant l’enfance (être poussé brutalement dans une piscine alors qu’on ne sait pas encore nager) qui peut créer une réaction de panique chez le sujet. Le sentiment d’impuissance et la frayeur éprouvés dans ce cas s’impriment si profondément chez le sujet qu’un rien pourra ensuite déclencher une réaction de panique. Martine souligne à ce propos: «Le simple fait d’entendre les cris des enfants jouant dans l’eau me remplit de terreur!»

Quelles sont les conséquences de cette peur panique de l’eau ?

L’aquaphobie peut représenter un véritable handicap dans la vie quotidienne du sujet, et être à l’origine de nombreux comportements d’évitement (comme tremper ses pieds dans l’eau sans jamais nager, se rafraîchir un peu au bord de la plage sans se mouiller le corps, ne jamais laisser l’eau couler sur le visage lorsqu’on prend la douche, et lorsqu’il faut garder ses enfants ou petits-enfants sur la plage ou au bord de la piscine se sentir incapable d’assurer leur sécurité). Ce type de situation provoque un sentiment de honte et un manque de confiance en soi.

Pronostic sans prise en charge

Sans prise en charge, l’aquaphobie a tendance à persister, voire à gagner en intensité au fil du temps.

La prise en charge de ce trouble anxieux

Dans le cas des troubles anxieux et phobiques, ce sont en général les TCC (thérapies comportementales et cognitives) qui sont les plus efficaces. En fait, les TCC représentent aujourd’hui le mode de prise en charge psychologique le plus largement reconnu par l’ensemble des approches scientifiques.

Ces thérapies agissent, comme leur nom l’indique, sur des comportements non adaptés à la vie courante (dans notre exemple, Martine habite près de la mer, elle accompagne ses enfants à la plage l’été mais leur interdit d’aller dans l’eau car si un quelconque problème se produisait, elle ne pourrait pas s’immerger pour les aider. Le contact avec l’eau lui provoque des attaques de paniques. Même se doucher et se laver lui sont devenus difficiles).

Les TCC agissent également sur les pensées (que les thérapeutes Cognitivo Comportementalistes appellent les « cognitions ») associées à ces comportements non adaptés (dans le cas de Martine : «Si je me retrouve dans l’eau, je vais me noyer », « Si j’ai de l’eau sur le visage, je vais en inhaler et m’étouffer », etc.).

Il s’agit alors de modifier un comportement inadéquat afin que la personne voit son état s’améliorer le plus rapidement possible (les agissements inadaptés sont combattus et éliminés, les agissements adaptés sont favorisés et renforcés).

Pour Martine, lorsqu’elle vient consulter, les objectifs sont clairs. Elle voudrait “redevenir comme avant”, c’est-à-dire aller à la plage avec ses enfants, être capable de se baigner et particulièrement pouvoir à nouveau mettre la tête sous l’eau. L’objectif de la thérapie sera donc celui-ci : être capable de se baigner et de mettre la tête sous l’eau.

En général, en accord avec les patients, le thérapeute va discuter du nombre de séances et présenter leurs contenus et déroulements. Pour Martine, on pourrait envisager une quinzaine de séances, à raison d’un entretien hebdomadaire de 30 à 45 minutes. L’agenda est fixé dès la première séance, un feedback est effectué à la fin de chaque entrevue (où il est demandé au patient ce qu’il a pensé de la séance du jour) et des tâches de « désensibilisation » sont données à réaliser entre chaque séance. Martine va apprendre à reconnaître ses angoisses pour peu à peu arriver à affronter en imagination des scènes de plus en plus angoissantes pour elle, et finir par se mettre réellement en situation. Elle aura donc des «tâches» à réaliser à l’extérieur. Son thérapeute et elle décideront de ces tâches en fonction des avancées. Au terme de ces séances, Martine pourra de nouveau se baigner et mettre la tête sous l’eau.

Objectif de Martine : Être capable de se baigner et de mettre la tête sous l’eau.

Objectifs à atteindre par paliers

10 : se balader sur le port.

20 : monter sur un bateau qui reste au quai;

30 : suivre un cours portant sur les risques de noyade en plongée sous-marine;

40 : s’asperger le visage d’eau;

50 : plonger la tête dans une bassine remplie d’eau;

60 : faire une ballade en bateau;

70 : se baigner en se mettant à l’eau à partir d’un bateau ancré à quelques mètres du bord, sans immerger la tête;

80 : se baigner en se mettant à l’eau à partir d’un bateau ancré en pleine mer, sans immerger la tête;

90 : se baigner en se mettant à l’eau à partir d’un bateau, en immergeant la tête;

100 : faire un baptême de plongée sous-marine (en étant accompagné par un thérapeute instructeur de plongée).

En conclusion :

On estime que la prévalence (c’est-à-dire le nombre de personnes atteintes par rapport au groupe plus vaste de la population en général) des troubles anxieux dans les pays européens est d’environ 6%. Les femmes seraient plus affectées que les hommes et des périodes comme l’adolescence plus sensibles. On ne connaît pas avec exactitude la prévalence de l’aquaphobie en France. Mais on sait que pour les personnes concernées il peut s’agir d’un véritable handicap -comme dans l’exemple de Martine- qui va perturber sérieusement le fonctionnement quotidien de la personne et nuire à sa qualité de vie. Des prises en charge spécifiques et efficaces existent et sont proposées par des psychiatres formés à ces approches thérapeutiques. Toutes les personnes affectées de phobies peuvent en bénéficier dès lors qu’elles soient motivées et prêtes à s’engager dans ce travail thérapeutique.

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