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Pierre sait prendre des décisions, rapidement très rapidement même. Il est habile. Pierre a un caractère d’acier. Dans des situations complexes, il sait garder son sang froid et il ne se trompe jamais ou presque jamais. Il est bon. Il gagne.
Dans le jeu.
Hors de la virtualité, tout est très différent. Pierre a arrêté sa Première S. Il n’a plus de copains réels. Sa relation avec sa famille se limite à quelques mots de survie, un jour sur deux. Il ne se lave plus, mange irrégulièrement, a maigri. Il passe entre 14 et 18 heures devant son ordinateur, parfois plus. Il dort peu. XYZ, c’est son jeu. C’était son jeu jusqu’au moment où cela a arrêté d’être un jeu…
Les personnes ayant une addiction aux jeux d’ordinateur ne jouent plus pour le plaisir, mais parce qu’elles ne peuvent pas faire différemment. Leurs pensées sont inlassablement tournées vers le jeu. Elles ont un besoin permanent et irrésistible de jouer et réagissent de manière irritée voire agressive si l’on essaye de les en empêcher. Tous les autres domaines de la vie deviennent annexes. Elles oublient ou délaissent les amis, la famille, l’école, le travail, la nourriture, l’hygiène de vie et tout autre loisir. Elles acceptent de perdre leur emploi ou de rompre avec leur petit(e) ami(e).
Les conséquences du jeu pathologique sont le plus souvent d’ordre relationnel et social. Mais dans les situations sévères, le joueur peut aussi présenter des complications somatiques (autrement dit physiques) liés à son comportement pathologique comme des thromboses ou embolies (après des jours passés assis sur une chaise) ou encore des amaigrissements, une anorexie induisant des déséquilibres métaboliques qui peuvent dans les pires des cas provoquer un arrêt cardiaque.
L’ensemble des études (encore peu nombreuses) qui ont travaillé sur le sujet montre qu’environ 3 à 10 % des joueurs en ligne présentent un comportement problématique dans le sens d’une addiction au jeu. Il y a des variations selon l’âge et le sexe. Les nouvelles générations sont plus affectées que les générations antérieures qui avaient simplement moins accès à Internet. Les garçons sont plus concernés que les filles. Certes l’addiction aux jeux d’ordinateur n’est pas toujours aussi sévère que dans notre introduction. Mais le spectre est large.
Parmi les jeux en ligne, les jeux que l’on nomme MMORPGs (Massively Multiplayer Online Role-Playing Games) sont ceux qui présentent le plus grand potentiel addictif. Le joueur potentiel ne peut pas avancer seul, mais dans un groupe. De même, son investissement pendant les parties ne peut pas être partiel, mais plein. Des rendez-vous sont fixés et il est presque impossible d’arrêter la partie pendant un « raid » du groupe. Le temps moyen pour un jeu est de 30 heures par semaine.
Un comportement de jeu problématique
L’addiction aux jeux d’ordinateur comme pour les autres addictions se manifeste souvent tout doucement, insidieusement. Les changements de comportement se font petit à petit. S’il s’agit d’un jeune qui vit encore chez ses parents, ce dernier pourra ne plus vouloir prendre le repas du soir en famille. C’est en général à ce moment de la journée que se déroulent le plus grand nombre d’attaques et comme décrit plus haut, elles se font en groupe (avec des joueurs qui ne se connaissent normalement pas personnellement). Les parents protestent bien sûr. Mais que faire face à un jeune qui échappe à l’emprise non seulement des adultes, mais à celle du monde réel? Que dire quand l’on sent que le lien se tend et qu’il peut se rompre? La pression du jeu peut finir par être supérieure à celle du petit groupe social, qu’est la famille.
Quels sont les signes d’une addiction au jeu ?
Le plus souvent la personne concernée :
- Arrête les activités auparavant investies et qui lui étaient plaisantes (comme le sport) sans pour autant s’investir dans une autre (en dehors de l’ordinateur). Il s’agit d’un signe assez précoce qui intervient souvent avant les problèmes scolaires ou professionnels.
- Néglige les obligations familiales, professionnelles et scolaires
- Se retire socialement (amis)
- Change ses habitudes alimentaires
- Change son rythme veille/sommeil
- Change sa vie sexuelle
- Néglige son apparence
- A des troubles de la concentration
- Fuit les émotions négatives ou les difficultés par le jeu
- Est en permanence mentalement dans son jeu (même si elle ne joue pas)
- A l’air d’être ailleurs
- Présente des variations de l’humeur soudaines et importantes
- A des accès de colère ou d’agressivité (surtout quand le jeu vient d’être interrompu)
- Présente des signes de dépression
Comment est-ce qu’on explique une telle addiction ?
Il existe des parallèles et similitudes au niveau des processus pathophysiologiques dans le cerveau avec les autres addictions y compris les addictions à une substance psychoactive. Quand une personne présentant une addiction au jeu regarde le screenshot de son jeu préféré, il se passe à peu près le même phénomène que dans le cerveau d’une personne présentant un mésusage d’alcool et qui regarde une bouteille de vin ou un verre de bière (selon ses préférences). Les images du jeu préféré sont associées à des émotions positives et le seul regard sur le screenshot va stimuler des zones dans le cerveau que les psychiatres appellent « circuit de récompense ». Ainsi une seule image va « allumer » le circuit avec une « attente » de récompense ce qui va « motiver » la personne à jouer. Des différences dans la réactivité du circuit de récompense entre garçons et filles expliquent probablement en partie le fait que les garçons sont beaucoup plus touchés par l’addiction au jeu. D’autres facteurs, comme certains traits de la personnalité (en particulier l’impulsivité) sont associés au jeu pathologique. Certaines études ont montrées que des enfants présentant une hyperactivité seraient aussi particulièrement concernés par l’addiction au jeu. Ceci est important parce que cela pourrait signifier une vigilance particulière concernant l’accès aux jeux MMORPGs pour les enfants présentant une hyperactivité.
La prise en charge de l’addiction aux jeux d’ordinateur
Comme pour toutes les addictions et presque toutes les maladies chroniques, la prise en charge précoce d’un comportement de jeu problématique est un facteur prédictif d’une bonne évolution.
Le premier interlocuteur peut être le médecin généraliste. Mais très vite, une prise en charge spécialisée peut être envisagée.
Un premier bilan ou une information très générale peuvent être obtenus par les familles, les proches et les personnes concernées elles-mêmes dans les Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention des addictions (CSAPA), les Consultations de Jeunes Consommateurs ou les Maisons des Addictions qui existent dans tous les départements. La liste des CSAPA et des Maisons des Addictions se trouve en page d’accueil des addictions.
Les programmes thérapeutiques existants sont basés sur des psychothérapies cognitives et comportementales ainsi que sur un traitement pharmacologique. Dans les situations de comportement de jeu pathologique sévère, le rythme de vie doit être rétablie, la vie sociale doit être réapprise. Suivant la sévérité de l’addiction au jeu, une hospitalisation peut même s’avérer nécessaire. Les CSAPA sont encore une fois les structures médicosociales qui vont aider et accompagner de manière gratuite et anonyme dans cette démarche de soins.
Pour aller plus loin :
Consultations Jeunes Consommateurs :
On peut aussi contacter le joueurs-info-service soit par internet soit par téléphone : 0974751313 (appel non surtaxé de 8h00à 2h00).
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